Le mariage d'Isawa Kaori

Le mariage d’Isawa Kaori

Un an s’est écoulé depuis le coup d’état avorté du clan scorpion. Hantei XXIX est un empereur de paille, Kachiko règne dans l’ombre de l’empire, protégé par le nouveau champion d’émeraude, Doji Hoturi.
Amano se tenait tranquillement assis sur une souche, devant les ruines du palais du clan du Lièvre. Un peu plus loin, sous un saule, la garde du katana de son père marquait l’emplacement de la tombe d’Usagi Tomoe, fille du seigneur du clan du lièvre, abattu par la vengeance du clan scorpion lorsque les hordes de l’outremonde jaillirent du gouffre de Jigoku pour se répandre sur l’empire.
Plus loin, sur la berge de la rivière de l’or blanc, plusieurs artisans travaillent sur les fondations de la maison de geisha. Yumiko, vierge de bataille devenue ronin pour échapper à une vendetta, se tient un peu plus loin, observant les méandres de la rivière. Ses cheveux courts et soyeux encadrent son visage, alors qu’elle se remémore le jour ou Amano lui a sauvé la vie en l’aidant à fuir Ryoko Owari. Bien qu’elle sache que son cœur est déjà pris par une autre, elle lui a offert sa vie et son amour.
Tu ne m’as pas parlé du mariage, Amano. Cela s’est mal passé ? demande t-elle brusquement.
Non…au contraire. Kaori a su échapper à Korochi, et a reçu la bénédiction de son père pour épouser Shiro. Cela aura lieu cet hiver, à Amerasu.
Etrangement mélancolique, la voix d’Amano reflète une certaine tristesse qui n’échappe pas à Yumiko.
Tu l’aimes encore n’est ce pas ? Tu l’as toujours aimée…bien plus que tu ne m’aimes.
Tu sais bien que j’ai des sentiments pour toi…mais je pourrais jamais t’aimer comme tu le désires, j’en suis navré. Tomoe est morte et une partie de moi est morte avec elle.
Je ne parlais pas de Tomoe…mais de Kaori !
Amano lève brusquement les yeux, comme si on venait de lui planter un tanto dans le dos.
Kaori va épouser Shiro, mon plus fidèle ami. Je ne ferai rien pour m’opposer à cette union ! Mes sentiments n’entrent pas en ligne de compte. Je donnerai ma vie pour elle, mais je ne lui demanderais jamais rien en échange.
Elle ne se rend pas compte de sa chance…(Les yeux de Yumiko laissent couler quelques larmes silencieuses) Raconte moi ce mariage.
Assieds toi, ca va être long.
Yumiko s’assois aux coté d’Amano, qui lui prend délicatement la main, lève les yeux vers elle et lui sourit. Un sourire franc, celui d’un homme qui accepte son destin. Tel est le prix de la liberté.

La palais Isawa est en fête. Une alliance d’importance a lieu aujourd’hui entre la famille Isawa et la famille Kuni. Isawa Kaori, fille d’Isawa Ujina maître élémentaire du Vide, va être mariée à Kuni Korochi, cousin de Hida Kisada et maître de l’école des Shugenja du clan du crabe.
Des invités de haut prestige ont répondu aux invitations. Hida O-Ushi est venue en personne représenter son clan, Doji Hoturi escorte Kachiko, Matsu Tsuko porte la voie du clan Lion, Otaku Kamoko celle de la Licorne, et la stupeur s’installe quand Togashi Yokuni en personne arrive à la tête d’un cohorte de moines tatoués du Dragon.
Au milieu de tous ces glorieux samourai, Shiro et moi gardons profil bas. Hareda Shiro, jeune seigneur du clan mineur du Cygne, aime secrètement Kaori depuis leur enfance, alors qu’il portait encore les couleurs de la famille Daidoji. Hélas, son passé l’a rattrapé. Shiro est le fils bâtard d’Hareda Shojen, l’ancien seigneur des ronins d’Amerasu, et de Daidoji Umiko. Quand Umiko avoua son adultère avec un ronin, elle commit le seppuku et Shiro fut banni du clan. Isawa Shinai, precepteur de Kaori, usa de magie pour lui faire oublier sa romance avec Shiro. Mais l’amour fut plus fort, et quand elle rencontra a nouveau Shiro, elle reprit peu à peu ses souvenirs, jusqu’à ce que son père lui impose ce mariage pour le bien du clan Phénix.
Il ronge sa hargne, impuissant devant le poids de la famille Isawa. Je ne peux pas faire grand chose non plus hélas, que peuvent deux ronins devant les traditions ancestrales du mariage politique ?…
Les délégations de nobles familles se succèdent, chacune essayant d’approcher les grands seigneurs ou de féliciter Kuni Korochi pour ce choix politique judicieux. Ce shugenja aux dents longues n’a que faire de la belle Kaori, seul l’accès aux secrets de Gisei Toshi l’interesse vraiment…bien qu’il ne semble pas indifférent aux charmes de la jeune Phénix…Une belle ordure celui-là !
Kaori, après plusieurs semaines passées au sein de la famille Kuni pour en apprendre les coutumes et les traditions, s’est retirée au temple d’Amaterasu pour méditer, priant pour que dame Soleil lui accorde sa bénédiction, et protège Shiro après ce mariage. Le devoir dépasse l’amour, elle est avant tout samourai.
Les moines du temple de Shinsei rythment l’arrivée des invités, portant bénédiction et recevant les offrandes aux fortunes pour qu’elles apportent gloire et richesse aux mariés.
Nos autres compagnons restent proches de Kaori. Hida Maru, tout aussi abattu par ce mariage, ne peut pourtant pas s’opposer à son clan. Agasha Nakano reste confiant, ne sachant interpréter la présence du suprême seigneur des Dragons. Shinjo Kisuki est venue avec sa troupe d’acrobates équestres, mais le désarroi se lit sur son visage Gaijin. Le mariage arrangé n’est plus vraiment incontournable dans le clan de la Licorne, et sa relation avec Moto Akiro, l’un des membres de sa troupe, n’est un secret pour personne. Quant-à Matami Ashitaka, il semble perdu au sein de toute cette agitation. Les îles de la mante lui semblent bien lointaines…
La cérémonie approche.
Les invités se rassemblent dans le grand palais, Shiba Ujimitsu souhaitant la bienvenue a tous ceux venus assister a cette nouvelle alliance du Phénix et du Crabe. Le mariage sera célébré le soir même. Kaori apparaît pour les premiers rituels, magnifiquement coiffée et maquillée, vêtue d’un superbe kimono de soie blanche, symbole de sa « mort » pour la famille Isawa. Elle passera la journée avec les moines, en prière et méditation.
L’inaction n’est pas de mon habitude, il faut que je fasse quelque chose. Shiro et moi profitons des longues heures de cérémonies pour nous retirer dans un coin des jardins. Ma décision est prise, je vais empêcher ce mariage. Shiro s’y oppose, ne voulant risquer l’honneur de Kaori, mais c’est mal me connaître…Je lui promet d’empêcher cette union, de protéger Kaori, mais il y a un prix à payer, et ce prix peut être cher. Shiro peut y perdre son honneur et sa vie. Cependant, si cela tourne mal, je me mettrai en avant et porterai le chapeau. Après tout, j’assume les conséquences de mes propres actes.
Voici l’idée tordue : Shiro écrira une déclaration d’amour sous entendue dans un recueil de Haiku. Je me chargerai de le faire parvenir a Kaori. Ensuite, je ferai connaître a Korochi l’existence de ce poème, ainsi que son auteur. Il devrai se sentir insulté et réclamera réparation avant l’union, pour laver son honneur. Il demandera duel contre Shiro, évidemment duel a mort…Shiro devrait pouvoir triompher, et ainsi forcer Korochi au déshonneur et au seppuku. Comme Shiro reste assimilé à un ronin pour Korochi, il ne voudra pas risquer un autre samouraï de son clan pour laver l’affront, et je me désignerai pour l’affronter. Il me frappera mortellement mais maîtrisera assez son coup pour que je puisse feindre la mort. Nakano se chargera de me faire évacuer. L’affaire est jouée, l’honneur de Shiro est sauf, celui de Kaori n’a rien à craindre. Moi, je serai mort pour l’empire…quelle importance, tant que Kaori soit heureuse avec Shiro.
Dont acte. Shiro rédige sa passion pour Kaori, je lui propose même quelques allusion plutôt « grivoises » afin de bien choqué ce rapace de Korochi. Le parchemin fait, je m’empresse de le porter à Kaori, me glissant discrètement dans le temple…Je la sens prête à laisser son chagrin éclater alors qu’elle lit les mots de celui qu’elle aime, mais je lui inspire de garder confiance en moi. Elle sait que je ne ferai rien qui pourrait lui nuire. Je lui demande de laisser le parchemin au temple, devant la statue de Benten. Dès qu’elle quitte le lieu, me voici parti auprès de Korochi. Ses gardes rechignent à me laisser passer, mais souhaitant éviter un scandale devant un rônin qui fut magistrat d’émeraude, Korochi daigne me laisser parler. Je l’emmène donc au temple devant Benten, ou trône le fameux parchemin… Je sens sa colère alors qu’il le parcoure, et je lui propose alors mon concours si un duel doit avoir lieu. Korochi réagit bien comme je l’avais prévu, et ma réputation de bretteur n’est plus à faire, il peut s’assurer ma victoire, contre mille malheureux koku…après tout, si je dois mourir, autant mourir riche ! Son rire résonne dans le temple alors qu’il me donne une reconnaissance de dette. L’idée de voir un rônin tuer celui qui ose l’offenser en tentant de séduire sa promise semble lui convenir. Parfait !
Le soir même, Kaori apparaît, superbe dans son kimono de satin rouge, symbole de sa renaissance en tant que Kuni Kaori…bah, cette possibilité me donne envie de vomir ! Mais notre plan est en marche. Shiro est dans l’assemblée, les hauts dignitaire sont à leur place d’honneur dans la grande salle du temple d’Amaterasu, et moi j’attends patiemment mon heure.
Isawa Ujina préside la cérémonie, et enfin l’heure fatidique arrive…
Korochi stoppe la cérémonie soudainement, je crois que seuls Shiro et moi ne sommes pas surpris…
Je ne peux épouser Isawa Kaori tant que mon honneur est souillé par la convoitise d’un ancien ronin, triste seigneur d’une famille dont il est le seul représentant, à la tête d’une province sans honneur et sans gloire !
Korochi exhibe le parchemin signé de Shiro…l’assemblée se fige, Ujina prend le parchemin et constate les faits…mmmh j’aurais peut être dû éviter les allusions grivoises…Korochi enchaîne :
Je réclame un duel à outrance pour laver mon nom. En tant que Shugenja, maître de l’école de la terre de la famille Kuni, je désignerai un champion.
Le moment crucial arrive enfin, je m’avance un peu, prêt à sortir mon sabre. Kaori est livide, impuissante devant les événements…pour l’instant. Mais ce rapace de Kuni m’avait gardé une surprise, un sale coup en douce dont j’aurais dû m’attendre !
Hida Maru, en tant que samouraï du clan du crabe, je te désigne comme champion. Lave l’honneur de ton clan en abattant ce chien !
Argh…Il nous a piégé ! Shiro n’a aucune chance contre Maru, même en duel. Le filet se referme sur ceux qui l’ont lancé. Si Maru gagne, Shiro meurt et Kaori épouse Korochi, si Shiro gagne, Maru meurt et Kaori sera anéantie de chagrin, et Korochi trouvera bien une astuce pour sauver sa misérable peau…Et si je me met en avant, j’avoue le complot et Shiro et moi seront abattus sur place. Je me prépare à sortir mon sabre et à faire une folie, mais je n’en ai pas le temps…Les choses vont alors trop vite.
Maru refuse de défendre Korochi, qui laisse éclater sa colère et réclame sa tête à O-Ushi. Maru s’apprête à mourir sous les sabres de son propre clan. C’est alors que la future mariée stoppe net les événements.
Kaori s’avance devant l’assemblée, alors que déjà des rumeurs parcourent l’assistance…
Il suffit ! Kuni Korochi, par votre comportement, c’est vous qui avez insulté mon honneur. Hareda Shiro ne peut répondre de vos accusation en vous affrontant en duel, mais moi je le peux ! Je réclame un duel de magie à outrance. Que les kamis fassent éclater la vérité !

Alors là ma mâchoire se décroche ! J’avais pas prévu ça…
(Soit dit en passant, en tant que MJ j’étais très loin d’avoir prévu ça aussi, et ma mâchoire s’est décrochée autant que celle d’Amano…Je félicite Fanny, qui est l’une des rares joueuses à avoir su me surprendre durant un moment aussi crucial que le mariage de Kaori !)
Alors que l’assemblée se remet de sa stupéfaction, Togashi Yokuni s’avance vers Kaori. Tous attendent ses paroles…
L’avenir a pris racine dans le présent. Le cœur d’une jeune shugenja peut changer le cours du temps. Que ce duel soit.
Kaori jette au loin sa tiare de mariée, essuie le maquillage de son visage, et avance vers la cour du temple, entre les deux gardiens céleste, témoins du combat que les shugenjas vont se livrer.
Korochi invoque la puissance de la terre, les dalles de la cour se fendent et quelques éclats s’élèvent et tournoient dans les airs.
Kaori invoque les puissances de l’eau, condensant l’humidité de l’air autour d’elle en une vague de puissance. Les forces de la terre dépassent sa maîtrise de l’eau, mais l’héritage de son père se révèle enfin à elle, et la puissance du Vide vient se joindre à l’Eau. Les éléments déchaînés se heurtent, faisant trembler tout le palais, aveuglant les spectateurs. Le duel des énergies semble durer une éternité, les flots de terre et d’eau s’affrontant au milieu de la cour du temple du soleil. Et soudain, porté par le Vide, l’eau l’emporte sur la terre et envahit Korichi, broyant sa volonté et annihilant son anneau de Terre, le laissant brisé sur les dalles. Mais Kaori ne sort pas indemne du duel, des éclats de pierre tranchants comme des sabres la frappent de plein fouet, la jetant au sol dans son propre sang.
Shiro se précipite auprès d’elle, tandis que Maru et moi faisons corps pour empêcher toute velléité de vengeance de la part des autres samouraï Kuni présents. Nakano en appelle aux esprits de l’eau pour conserver l’étincelle de vie de Kaori, mais les forces qu’elle a libérée ont consumé toutes ses forces vitales…Seule l’intervention d’Isawa Ujina sauvera sa fille d’une mort certaine.
Le duel a été mené dans l’honneur du Shugendo, et les invités oublient alors l’accusation de Korochi comme il est de coutume lors d’un duel. Kaori a gagné, Shiro est lavé de tout soupçon, et Korochi est déshonoré…le mariage annulé. Ca c’est plutôt bien fini en fait…
Les crabes se retirent, emportant le corps brisé de Korochi. O-Ushi se retourne vers Maru…
Ta loyauté envers tes amis est exemplaire, Maru, mais elle aurait dû être tournée vers la clan du Crabe. Désormais, tu n’est plus rien. Je te refuse le seppuku, tu erreras comme un rônin. Ton nom n’a jamais existé. Puisses tu désormais vivre comme tu le souhaites…
Peut être est ce là un cadeau que la brute du clan crabe lui fait…
Progressivement, les invités se retirent, seul Yokuni reste patiemment, Nakano auprès de lui cherchant à saisir le sens de ses paroles.

3 semaines écoulées, nous voici réunis au chevet de Kaori. Après s’être assurés qu’elle se remettra vite, Nakano et Maru, qui a pris le nom de Haruno, s’éloignent ensemble. Je salue Haruno, nous partagerons plus tard la route des rônins. Kizuki reprend sa route auprès d’Akiro, heureuse de constater que l’amour peut encore triompher, et Matami reste au port prêt à emmener ses amis dans son bateau. Je reste sur le pas de la porte, observant un instant Shiro et Kaori se regarder, avec l’espoir que bientôt ils pourront s’aimer en toute légitimité. Kaori m’adresse un sourire, il ne m’en faut pas davantage. Je tourne le dos et m’éloigne, reprenant ma route. Je ne sais pas si j’ai bien agis, je n’aurais pas pu supporter que Kaori meure par ma faute. Avais je le droit d’influencer le destin ? Je ne le saurais peut être jamais. En quittant le palais, je croise le regard de Yokuni, impénétrable. Il m’adresse un hochement de tête, et son image disparaît. L’avenir a pris racine dans le présent…Après tout, j’ai peut être bien agit.
Telle est la vie d’un rônin.